Exporter sa franchise aux États-Unis : les clés pour réussir ?

Dernière mise à jour le 21 March 2024

En 2023, l’industrie de la franchise comptait aux États-Unis, environ 805 500 établissements franchisés, selon le site Statista, sous 3 000 à 5 000 marques différentes, générant une production économique estimée à près de 860 milliards de dollars. La croissance exponentielle de ce secteur a également eu un impact significatif sur l’emploi, avec près de 8,7 millions de personnes travaillant pour ces établissements en 2023. Si l’industrie de la restauration rapide continue de dominer le paysage de la franchise, elle est suivie de près par la vente au détail de produits alimentaires et de divers produits et services.

Dans un marché aussi vaste et diversifié que les États-Unis, exporter une franchise européenne est une entreprise ambitieuse et potentiellement lucrative. Cependant, réussir sur ce nouveau territoire, vaste de cinquante États, nécessite une compréhension approfondie des nuances culturelles, des différences légales et financières, et des attentes et habitudes des consommateurs américains. En d’autres termes, pour réussir à développer sa franchise sur le territoire américain, il faut être capable de comprendre ce nouvel environnement et surtout, d’y adapter sa franchise. 

Pour donner les clés nécessaires à la réussite de cette expansion audacieuse, Sylvain Perret, fondateur d’Objectif USA, répond à mes questions. 

Rachel Brunet : Est-ce qu’il y a des différences significatives entre le marché des franchises aux États-Unis et le marché des franchises en Europe ?

Sylvain Perret : Tout d’abord, il faut garder à l’esprit que ce sont les Américains qui ont inventé la franchise. Dans leur culture, avoir un seul point de vente est souvent surprenant. Si quelque chose marche, que ce soit un produit ou un service, ils vont vite le reproduire, souvent par le biais de la franchise. Aussi, la franchise fait partie intégrante du paysage économique américain depuis longtemps, avec des enseignes mondialement connues comme McDonald’s. En parlant de franchise, on pense généralement à McDonald’s, qui est un modèle international. Starbucks est fréquemment évoqué, mais contrairement à McDonald’s, Starbucks n’est pas une franchise aux États-Unis, la marque est propriétaire en propre de la grande majorité de ses coffee shops.

Ensuite, il existe entre le marché des franchises américaines et européennes des différences légales, des similitudes et des particularités à prendre en compte. Par exemple, il y a une similitude sur le délai de réflexion : il est de 20 jours en France et de 14 jours États-Unis. 

Aux États-Unis, il y a un document appelé le Franchise Disclosure Document (FDD), tandis qu’en France, c’est le document d’information précontractuelle (DIP). En France, le franchisé doit respecter ce délai de 20 jours et analyser le document avant de pouvoir l’accepter et donc, aux États-Unis, 14 jours (14-Day Disclosure Period).

Aux États-Unis, c’est majoritairement le contrat qui prévaut, tandis qu’en France, c’est avant tout la loi. La Federal Trade Commission (FTC) régule les franchises aux États-Unis, mais certains États ont leurs propres réglementations supplémentaires. Ce qui rajoute une couche de complexités.

La règlementation spécifique de la Californie est très astreignante par exemple alors que dans des États comme la Floride, seul le cadre de la FTC s’applique. Il est vraiment essentiel de lire attentivement les contrats, car aux États-Unis, c’est le contrat qui régule la vie économique, plus que la loi. J’insiste vraiment sur l’importance de lire les contrats pour avoir vu de nombreuses erreurs qui auraient pu être évitées juste en suivant ce conseil qui peut sembler basique. En résumé, la franchise est un modèle bien établi aux États-Unis. Cependant, de par leur culture, certains Français ont une vision négative de la franchise, pensant qu’elle limite leur marge de manœuvre et d’indépendance.

Il est vrai qu’une franchise va imposer des directives, certaines plus restrictives que d’autres. Mais, vaut-il mieux ouvrir un fast-food appelé « Les hamburgers de Jean-Pierre » ou ouvrir une franchise McDonald’s ? Si vous lancez demain un business appelé « Les hamburgers de Jean-Pierre », cela nécessitera du temps pour s’implanter, créer le menu, développer la réputation, etc. Si cela devient un succès mondial, vous pourriez potentiellement en retirer plus qu’avec une franchise. En revanche, si vous ouvrez un McDonald’s demain, la marque est déjà connue, le produit est établi, et il existe des normes et procédure à suivre pour assurer le succès. Par conséquent, opter pour une franchise comporte inévitablement des compromis. Ce modèle est bien ancré dans la culture économique américaine et ne suscite pas les mêmes réticences qu’en France.

Vous dites qu’il ne faut surtout pas s’annoncer franchise avant d’en être une, que sous-entendez-vous ?

Le terme « franchise » implique des engagements, autant des droits que des obligations. La franchise sous-entend des relations “gagnant-gagnant”, le fameux win-win cher aux Américains. Il implique de détenir un modèle économique éprouvé. Être une franchise implique des obligations légales telles que les 14 jours de réflexion, le FDD, le contrat de franchise, etc. Si vous arrivez aux États-Unis en prétendant être une franchise, mais ne respectez pas les règles et n’offrez aucun service aux franchisés, comme une marque, du marketing, des achats groupés avantageux ou un business model établi, cela peut avoir des conséquences juridiques graves. En justice, cela pourrait être considéré comme de l’escroquerie. On pourrait vous obliger à agir en tant que franchise et à fournir les services nécessaires. Malheureusement, il arrive souvent de voir des entreprises se présenter comme des franchises sans offrir les services attendus. J’ai rencontré plusieurs fois des situations en Floride où des entreprises prétendaient accompagner des nouveaux franchisés, mais ne disposaient même pas de FDD.

En résumé, si vous n’êtes pas une franchise, ne prétendez pas l’être ! Actuellement, il existe d’autres modèles comme la licence de marque, beaucoup plus légère que la franchise. Le jour où vous engagez une personne comme franchisé, cela signifie que tout est en place, avec toutes les étapes préliminaires nécessaires. Il y a un risque pour le franchisé qui pense être protégé en tant que franchisé, et un risque pour le franchiseur qui pourrait être attaqué par des prétendus franchisés s’il ne respecte pas les règles. Utiliser le terme franchise lorsque ce n’est pas le cas comporte des risques des deux côtés.

Est-ce qu’il y a des aspects spécifiques de l’offre d’une franchise qui doivent être adaptés pour réussir sur le marché américain ?

Tout d’abord, il est essentiel d’adapter son service et son produit au marché américain. Même si on pense qu’un Américain nous ressemble globalement, ses habitudes de consommation diffèrent. Il est courant d’entendre des Européens déclarer que les Américains vont adorer le nouveau produit qu’ils souhaitent lancer aux États-Unis. Cependant, ce n’est pas toujours le cas. De plus, même si des études de marché sont réalisées et que les réponses des Américains sont positives, cela ne garantit pas le succès financier. Il faut savoir, par exemple, que le « Amazing! » souvent lancé par les Américains est en réalité un signe de politesse. Il est donc crucial de s’assurer que le produit fonctionnera réellement sur le marché américain. 

À titre d’exemple, certains produits français emblématiques, comme les macarons, ou même la baguette, ne sont pas des produits de grande consommation aux États-Unis. C’est pourquoi il est important d’être prudent dans le choix des produits à introduire sur le marché américain et de les adapter en conséquence. Par exemple, la pizza est un produit populaire aux États-Unis, mais même ce plat doit être adapté en fonctions des préférences locales, telles que les différents styles de pizzas comme celles de New York, de Chicago ou de Detroit. En effet, la pizza italienne traditionnelle n’est pas aussi répandue que ces variantes américaines. En résumé, l’adaptation au marché américain est essentielle pour réussir dans le secteur de la restauration ou de la vente de produits alimentaires aux États-Unis.

Il m’est arrivé d’entendre le dirigeant d’une franchise française implantée aux États-Unis affirmer que leur business model et leur offre étaient non négociables. Résultat, ils ont fini par échouer. Cela démontre qu’il est essentiel d’adapter son produit, son service et son offre au marché américain. Il est important de noter que les réalités du marché varient d’un État à l’autre, aux États-Unis, voire d’une région à une autre. Par exemple, la fameuse pizza à l’ananas peut être mieux acceptée à Hawaï qu’ailleurs. Les États-Unis sont également composés de ce que l’on appelle les 11 nations américaines, c’est lié à des comportements, à des habitudes ; on identifie, entre guillemets, 11 types d’Américains, chacun avec ses propres comportements et habitudes. Il est donc nécessaire d’adapter son approche en fonction de ces spécificités régionales. Très clairement, quand on s’adresse au marché américain, on s’y adresse par quart : quart sud-est, quart nord-est, quart sud-ouest et quart nord-ouest. On ne s’adresse pas aux Floridiens, aux Californiens et aux New-Yorkais, de la même façon.

En outre, il est crucial d’adapter sa communication, tant interne qu’externe au marché américain. Aux États-Unis, le marketing diffère de celui pratiqué en Europe et nécessite une approche spécifique. Les publicités américaines peuvent sembler exagérées ou de mauvais goût selon nos propres critères, mais elles sont efficaces. Il est donc important de comprendre et d’utiliser les codes de communication propres au marché américain. Par exemple, la subtilité souvent présente dans la publicité française peut ne pas fonctionner aux États-Unis, où l’approche est plus directe. 

De la même manière, il est essentiel d’adapter sa communication interne en tenant compte des différences culturelles et des normes de travail américaines. Les relations professionnelles et la communication au sein de l’entreprise sont différentes de celles appliquées en France. Aux États-Unis, la confrontation est généralement évitée, et les communications sont plus directes et moins hiérarchisées. Il est donc primordial d’adopter une approche adaptée et respectueuse des normes américaines dans toutes les interactions professionnelles.

Un Américain qui signe avec une franchise attend que le travail lui soit, en quelque sorte, mâché. Il est en droit d’attendre une certaine sécurité, de la simplicité et un accompagnement : Formation, handbook pour les employés, recettes, argumentaire commercial, gestion des travaux en partie déléguée, fournisseurs référencés. Le Français “type” recherchera une franchise qui lui laisse un peu de latitude : l’Américain veut être encadré vers la réussite.

Le troisième point crucial est le volet légal, qui, aux États-Unis, nécessite une attention particulière. Souvent, il va y avoir une adaptation juridique de la franchise européenne aux États-Unis avec un certain nombre de professionnels impliqués. Nous intervenons fréquemment comme consultant et que business brokers et nous faisons intervenir des avocats spécialisés, pour des besoins très pointus. En effet, vous aurez besoin d’avocats spécialisés dans différents domaines. Tout d’abord, un avocat spécialisé en franchise, un « franchise lawyer », sera nécessaire pour vous guider tout au long du processus. Sur ce point, j’insiste sur le fait de se faire accompagner par un avocat américain. Je ne connais, à ce jour, pas un seul avocat francophone qui soit absolument efficace dans ce domaine précis. Ensuite, un avocat des affaires sera indispensable pour traiter les aspects juridiques généraux de votre entreprise. De plus, un avocat en immigration pourrait être requis, notamment si vous envisagez d’envoyer des employés aux États-Unis pour développer la franchise. Enfin, un expert-comptable qualifié, que l’on appelle ici CPA (Certified Public Accountant), sera essentiel pour encadrer les aspects comptables et financiers de votre entreprise. En résumé, la composante légale est un élément clé de l’adaptation d’une franchise aux États-Unis. Il est ainsi crucial d’avoir une équipe d’experts juridiques bien formée pour vous accompagner dans ce processus.

Pour conclure sur ce point de l’adaptation au marché américain, j’utiliserais l’adage « In Rome, do as the Romans do ».

Pour réussir à développer son business aux États-Unis, il faut comprendre le “mindset” américain. Est-ce qu’il y a une démarche supplémentaire à comprendre et à faire dans le domaine de la franchise ?

Il existe de nombreux points communs entre la création d’une entreprise indépendante et le développement d’une franchise, mais les échelles diffèrent. Monter sa propre entreprise peut comporter des risques d’échec, tout comme la création d’une franchise, mais avec en plus la responsabilité potentielle envers les autres parties impliquées. Il est donc crucial pour un franchiseur s’implantant aux États-Unis de prendre cette responsabilité au sérieux. Ce qui m’irrite particulièrement, ce sont les franchises étrangères qui ne recrutent que des franchisés étrangers lors de leur implantation aux États-Unis, ce qui, à mon sens, est un aveu d’échec. En effet, il cherche la facilité, car il n’a pas réellement adapté sa franchise au marché américain. Une franchise européenne aux États-Unis devrait viser à recruter avant tout des franchisés américains, adaptant ainsi son approche au marché local. Pour attirer ces franchisés, il est essentiel d’avoir une stratégie de recrutement claire, impliquant des outils comme un site web dédié à la franchise, une présence dans les salons spécialisés, et éventuellement le recours à des réseaux de franchise brokers. De plus, un franchiseur européen implanté aux États-Unis doit assumer sa responsabilité envers ses franchisés. S’ils rencontrent des difficultés, cela peut avoir un impact sur l’ensemble du réseau. En outre, il est inacceptable que certaines franchises fassent essuyer les plâtres aux premiers franchisés, sans avoir d’abord testé leur modèle en propre via une « unité pilote » sur le marché américain. Si vous vous retrouvez dans la situation d’être le premier franchisé d’une marque française aux États-Unis, je vous conseille d’exiger des conditions financières avantageuses de la part du franchiseur, notamment en termes de réduction des frais d’entrée et des redevances, ou en demandant une participation financière directe de leur part dans votre entreprise, car vous assumerez une part importante des risques liés au lancement de la franchise sur ce nouveau marché.

Et, cela, je l’ai vu de mes propres yeux. Je pense à une franchise européenne en particulier, qui a commencé sur le marché californien, en envoyant plusieurs franchisés au casse-pipe. Après environ un an et demi, il est apparu que leur modèle commercial était en réalité illégal en Californie. Les franchisés ont continué pendant huit à dix mois, mais tous ont finalement reçu ordre de fermer. Ils ont dû cesser immédiatement leurs activités, car ce qu’ils faisaient était, sans le savoir, en violation de la loi californienne. Les responsabilités étaient floues : qui était vraiment responsable, les franchisés ou le franchiseur en Europe ? Les municipalités ont attaqué les franchises en invoquant une concurrence déloyale. Ces derniers, ayant dû mettre fin à leurs activités sur ordre de justice, se sont retournés contre le franchiseur européen, le procès est toujours en cours, à ma connaissance. Cela a été une catastrophe, d’autant plus que certains franchisés étaient des Européens venus avec un visa spécifique pour l’occasion.

Ce qui est le plus incroyable dans cette affaire, c’est que j’ai travaillé comme consultant sur ce dossier au tout début. Très rapidement, j’ai exprimé mes préoccupations. J’ai donc arrêté la collaboration, car je ne me sentais pas en sécurité de travailler avec eux. J’ai d’ailleurs rédigé une déclaration utilisée comme preuve au tribunal où l’affaire est traitée, incluant des copies d’emails et des documents dans lesquels j’avais soulevé des problèmes. Il y avait également un franchisé avec lequel j’avais travaillé, qui chapeautait toutes les franchises en question en Californie, il avait malheureusement ouvert la première franchise bien trop vite et les problèmes ont surgi très rapidement dans ses relations avec le franchiseur.

Pour réussir, il faut aussi bien s’entourer. Quels sont vos conseils à ce niveau, sur le marché américain ?

Sur le marché américain, il est indispensable de s’entourer d’Américains plutôt que d’importer des équipes. Bien sûr, certaines équipes peuvent être déployées localement pour faciliter les connexions. Souvent, une ou deux personnes assurent la liaison entre la franchise américaine et la franchise européenne. Il est évident qu’il faut avoir de nombreux intervenants externes, chacun apportant son expertise. Que ce soient des francophones ayant une longue expérience américaine, des Américains parlant français, ou des professionnels étrangers, leur expérience doit être authentique. J’insiste, mais sur des aspects cruciaux comme le droit des franchises, il est impératif de faire appel à des avocats très expérimentés. Même si une personne peut servir d’interface sur ces sujets légaux relatifs au droit de la franchise, travailler avec une personne de francophone et compétent est difficile, voire impossible, à ma connaissance.

Ce qui marche en France ne va pas forcément marcher aux États-Unis. Comment les franchises françaises peuvent-elles et doivent-elles s’adapter aux différences culturelles et aux différences de consommation lors de l’expansion de leur franchise aux États-Unis ?

La première étape consiste à étudier ce qui fonctionne aux États-Unis. C’est fondamental ! Cela implique de venir sur place, analyser le marché et comprendre les raisons du succès des entreprises. La plupart des succès reposent sur des améliorations de modèles existants. Parfois, il peut y avoir des nouveautés, comme le cas d’un entrepreneur récemment arrivé avec un modèle inexistant aux États-Unis en raison de l’interdiction du produit jusqu’à récemment. Cependant, il est rare de véritablement inventer quelque chose de totalement nouveau, on peut souvent s’inspirer de business similaires qui fonctionnent déjà.

Si l’on souhaite se lancer dans la vente de sandwiches, par exemple, il est judicieux d’étudier les franchises prospères dans ce domaine, dans celui des bagels comme Einstein Bros, qui connaît un grand succès, par exemple. En France, de nombreuses franchises sont des répliques de franchises américaines, que ce soit dans le domaine des burgers, des sushis, des tacos, et bien d’autres. À vrai dire, deux franchises sur trois créées en France s’inspirent de franchises américaines. Il est donc essentiel de s’inspirer de ce qui fonctionne aux États-Unis, en observant notamment les modèles similaires. Lorsqu’on se lance dans quelque chose de nouveau, il est crucial de comprendre que l’avantage de la nouveauté est éphémère. Il est primordial d’avoir une longueur d’avance, car on n’a qu’une seule chance de faire un bon départ. Si on se trompe au départ, il est difficile de corriger le tir par la suite. Par conséquent, il faut se préparer méticuleusement et ne pas hésiter à observer, à préparer, et à ajuster avant de se lancer. C’est ce qui distingue souvent le succès dans l’économie : non pas l’inventivité, mais l’amélioration constante.

Dans le process, il est aussi indispensable, à mon avis, d’installer un établissement pilote au minimum, effectuer les travaux nécessaires, lancer le produit, et observer attentivement la réaction de la clientèle pendant au minimum six mois. Cela permet d’identifier ce qui fonctionne bien et ce qui ne fonctionne pas. Ensuite, une fois cette période d’observation terminée, on élabore le FDD. Cependant, il est crucial de se préparer minutieusement en amont, car c’est une réalité incontournable du business. On prépare, on teste, on corrige !

Est-ce que la période actuelle est économiquement favorable pour développer une franchise aux États-Unis ?

Cela va dépendre des secteurs économiques, car certains ont subi des transformations majeures, notamment en raison de la pandémie de Covid-19. Pour les franchises, notamment dans le secteur de la restauration, une adaptation est essentielle. Par exemple, le drive-thru est devenu indispensable aux États-Unis et représente 50 % du chiffre d’affaires de ce secteur d’activité. Dans les franchises de pizza, 80 % du chiffre d’affaires provient désormais du take-out et de la livraison, et seulement 20 % se fait sur place, ce qui souligne l’importance de s’adapter aux nouvelles tendances du marché. Concernant le timing, bien qu’il y ait des cycles économiques, l’économie américaine reste résiliente. Toutefois, il est essentiel de prévoir des modèles commerciaux flexibles et légers en charges fixes pour faire face à d’éventuelles périodes difficiles. Par exemple, la hausse des loyers commerciaux peut être un défi majeur pour de nombreuses entreprises. De même, les salaires ont également augmenté, ce qui nécessite une gestion financière prudente pour maintenir la rentabilité. En Floride, une loi est passée, ce qui fait qu’aujourd’hui, tous les premier septembre, le salaire minimum prend un dollar. On est aujourd’hui à 13 dollars l’heure, on était à 7 dollars l’heure il y a 5 ans en arrière. On sera à 15 dollars l’heure dans deux ans.

Les ratios de gestion sont cruciaux dans ce contexte. Il est essentiel de pouvoir réduire les coûts en cas de besoin, de se préparer à toute éventualité et de rester flexible. En particulier, il faut être prêt à changer de cap si nécessaire. Par exemple, si une adaptation du produit ou du service ne fonctionne pas comme prévu, ou si des changements économiques affectent la rentabilité. Prenons l’exemple des locations Airbnb, qui ont été fortement affectées par la pandémie de Covid-19. Certaines franchises gérant des biens Airbnb ont dû faire face à des défis importants. Avec l’interdiction récente des locations courte durée Airbnb à New York, il est crucial pour ces franchises de rechercher d’autres opportunités ou de pivoter vers d’autres activités.

L’économie ne garantit pas automatiquement le succès. Pour réussir, il faut que l’offre rencontre la demande, ce qui implique une adaptation adéquate. Lorsque une personne affirme qu’une idée va cartonner aux États-Unis parce qu’elle n’existe pas encore là-bas, cela suscite souvent des doutes chez moi. Parfois, la recherche n’a pas été menée correctement, par exemple, en utilisant des termes inappropriés ou mal traduits. Il est crucial de bien cibler sa recherche, parfois grâce à un VPN pour accéder aux résultats de recherche du pays ciblé. Par exemple, les donuts sont très populaires aux États-Unis et représentent un modèle de franchise réussi. Identifier une franchise avec de nombreux multifranchisés peut être un indicateur de qualité, car il est rare de faire plusieurs fois la même erreur. Un franchisé de chez Tropical Smoothie Café en détient plus de 100 par exemple. 

Concernant le contexte économique, il n’y a pas de période bonne ou mauvaise en soi pour entreprendre, mais l’impact économique doit être analysé. Malgré des conditions économiques similaires, le succès peut considérablement varier d’une entreprise à l’autre.

Je remarque souvent qu’un même modèle d’entreprise peut avoir des performances très différentes selon les individus qui le dirigent. Par exemple, j’ai vendu exactement la même entreprise à trois personnes dans le domaine de la location à court terme. La première personne a connu une baisse d’environ 10 à 20 % de son chiffre d’affaires trois ans après l’acquisition. La deuxième personne a réalisé une augmentation d’environ 20 %, tandis que la troisième a multiplié son chiffre d’affaires par trois, soit une croissance de 220 %. Pourtant, les conditions économiques étaient les mêmes pour chacun. Alors, oui, la situation économique a un impact sur les entreprises. Cependant, je constate que certains réussissent très bien même en période difficile, tandis que d’autres échouent même en période de prospérité. Il ne faut donc pas trop se fier aux conditions économiques. Je me souviens d’un exemple spécifique d’une franchise française dans le Nord Est des États-Unis qui a attribué son échec à la pandémie de Covid-19. Cependant, il s’est avéré que le véritable problème résidait dans la gestion de l’entreprise par son dirigeant, et la pandémie n’était qu’un prétexte. Parfois, la situation économique peut servir d’excuse, mais elle ne fait pas tout.

Cette franchise en particulier est un exemple très représentatif d’une franchise qui a échoué en raison de son incapacité à adapter son modèle commercial. Les franchisés reprochaient au franchiseur de ne rien apporter en valeur ajoutée, affirmant qu’ils se demandaient pourquoi le nom du franchiseur figurait au-dessus de leur porte, car il était inconnu à New York et ne possédait aucune connaissance du marché américain. C’est un cas typique d’une franchise française qui a échoué sur tous les plans. Les franchisés ont commencé à ouvrir des franchises dans d’autres états, bien que leur contrat de franchise ne le leur permettait pas, ce qui a entraîné des tensions. Les franchisés se plaignaient que la franchise ne leur apportait aucun avantage. En réalité, une franchise réussie repose sur un contrat gagnant-gagnant où les franchisés sont satisfaits. Une franchise qui ne répond pas aux besoins des franchisés ne peut pas perdurer à long terme.

Quels sont les principaux défis juridiques que les franchises européennes rencontrent lorsqu’elles s’implantent aux États-Unis ?

Il va d’abord falloir créer une structure juridique qui servira de franchiseur. Cette structure juridique devra financièrement être solide. Généralement, dans un FDD, il y a 23 points standardisés appelés items et le point 21 comporte les éléments financiers du franchiseur. Par conséquent, sur le plan juridique, il faudra créer une société en bonne santé financière, suffisamment capitalisée, car chaque année, le FDD devra présenter des états financiers solides, audités par un CPA, pour rassurer les franchisés. Ensuite, il faudra établir le contrat de franchise, qui sera annexé au FDD. Pour cela, l’expertise d’un avocat spécialisé en franchises est indispensable. Je ne le répéterai jamais assez : american franchise lawyer, american franchise lawyer, … Puis un business lawyer pour créer les sociétés. Il faut également s’assurer que la société dispose de suffisamment de fonds propres, car les premières années peuvent être difficiles. J’ai déjà vu des franchises avec des dettes importantes, ce qui peut poser un problème pour les franchisés. En résumé, sur le plan juridique, la création d’une structure solide et la rédaction des documents nécessaires sont essentiels, ainsi que l’accompagnement d’un avocat spécialisé en franchises et d’un autre, en droit des affaires.

Quid des défis financiers ?

Au niveau financier, la franchise française souhaitant s’implanter aux États-Unis ne bénéficiera d’aucun accompagnement bancaire de la part de banques américaines. Cependant, et j’insiste sur ce point, elle peut se tourner vers BPI France qui propose des lignes spécifiques pour l’exportation, car créer une franchise à l’étranger relève de l’exportation. La BPI est très volontaire sur cet accompagnement financier. Cette aide peut prendre la forme de lignes de crédit ou même de levées de fonds. Il est vraiment essentiel de mobiliser des ressources financières en France, en sollicitant les associés et les banques, notamment la BPI. Un élément financier à bien budgéter : les travaux si un local commercial est nécessaire. Je conseille la plus grande prudence sur ce sujet : pas de « prix et délais » garantis aux USA. Mon expérience sur ce sujet est que pour être serein, mieux vaut se préparer au pire et prévoir deux fois plus que ce sui est annoncé et des délais du double. Un adage américain dit “It takes money to make money” : c’est totalement vrai dans le cadre du développement d’une franchise aux USA.

Il est également important de mentionner que les franchisés américains peuvent demander des crédits pour lancer leur établissement franchisé. Une franchise peut être pré-approuvée par le Small Business Administration (SBA), ce qui facilite leur financement auprès des banques américaines. Dans cette optique, avoir des franchisés américains présente un avantage significatif. En revanche, faire venir des Français comme franchisés peut présenter des inconvénients, tels qu’un financement moins important, une méconnaissance du marché américain, le problème de la langue, et des difficultés liées à l’obtention de visas. Très concrètement, les franchiseurs qui ne développent qu’auprès des Français se tirent, à mon avis, une balle dans le pied. Ainsi, très concrètement, je peine à comprendre leur intérêt. Il peut bien entendu y avoir quelques investisseurs en visa E2 dans les franchisés, mais pas uniquement cela selon moi. Du côté des franchisés, il faut aussi se poser la question : « Pourquoi cette franchise n’a que des franchisés Français ? Est-ce parce qu’aucun américain n’en veut ??? »

De votre point de vue et expérience, quelles sont les tendances émergentes des franchises aux États-Unis que les entreprises européennes devraient prendre en compte ?

Dans les tendances principales, l’automatisation prend de l’ampleur, notamment dans le secteur alimentaire. Aujourd’hui, lorsque vous entrez chez McDonald’s ou Taco Bell, vous ne trouvez presque plus de personnel pour prendre les commandes, seulement des machines. Cette évolution s’explique par plusieurs facteurs, notamment le changement de comportement des consommateurs, mais surtout les problèmes de recrutement de main-d’œuvre. McDonald’s et Taco Bell ont adopté ces bornes de commande en raison de difficultés à trouver du personnel. Il s’agit là de tendances majeures dans le domaine alimentaire.

Dans les tendances hors alimentaire, ce sont clairement les franchises de services qui se démarquent, car les Américains réalisent de moins en moins de tâches eux-mêmes et externalisent beaucoup. Pour illustrer, prenons l’exemple d’une franchise qui connaît un certain succès : celle qui propose de nettoyer votre barbecue pour 65 dollars afin qu’il retrouve son aspect neuf. Les franchises de services sont donc des acteurs très performants sur le marché. 

Je conseille la lecture du classement annuel Franchise 500 de la revue Entrepreneur de Janvier chaque année, disponible sur Amazon. Si vous souhaitez approfondir le sujet, c’est une bonne option. 

Aujourd’hui, une autre tendance émerge : le regroupement de franchises. Il s’agit de sociétés qui acquièrent des franchises et constituent ainsi des portefeuilles diversifiés. Par exemple, récemment, une franchise que j’apprécie, WoofGang Bakery & Grooming, a été rachetée par un groupe. WoofGang Bakery, spécialisée dans le toilettage pour chiens, a connu un grand succès en Floride, mais était peu présente dans d’autres États. En étant rachetée par ce groupe, présent dans plusieurs États, elle pourra bénéficier de leur expertise et étendre sa présence, notamment en Californie, où le marché du toilettage pour chiens est important. Nous travaillons d’ailleurs actuellement sur le dossier d’un multifranchisé de WoofGang qui souhaite s’implanter en Californie. Cette stratégie illustre la tendance au regroupement de franchises, où des entreprises disposant de franchises dans plusieurs régions rachètent des franchises ciblées pour étendre leur portefeuille. 

Une autre tendance à noter est le co-franchising, où deux franchises différentes opèrent sous un même toit. C’est une pratique courante chez des enseignes comme Wendy’s et Long John Silver, où l’on peut trouver une franchise de glaces à côté d’une franchise de café, ou encore une franchise de croissants associée à une autre franchise. Cette approche permet d’offrir une variété de produits sous un même emplacement, comme l’exemple, à New York, de la marque française Longchamp partageant un espace avec Angelina Paris USA, offrant ainsi une expérience complémentaire aux clients. C’est une idée ingénieuse pour des franchises françaises de s’associer à des produits complémentaires et de démarrer ensemble, comme le fait souvent Foxtail Coffee en se situant dans les mêmes locaux que des restaurants végétaliens, afin de cibler une clientèle similaire.

Le mot de la fin, Sylvain ?

On peut finir en disant qu’il y a un bouquin extraordinaire, il s’agit de Franchise Your Business de Mark Siebert que je recommande vivement à tous ceux qui veulent adapter leur franchise existante au marché américain. Je recommande aussi l’exemplaire annuel de la revue Entrepreneur de janvier “Franchise 500”.

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Rachel Brunet

Rachel Brunet est une journaliste, content strategist et auteure française installée à New York depuis 2012. Elle a lancé et dirigé le média français « Le Petit Journal » à New York puis à Miami. Spécialiste du portrait d'entrepreneurs, sa plume est souvent sollicitée par des entreprises, des institutions et des entrepreneurs. Elle créé actuellement une maison d'édition mettant en lumière les succès et les parcours extraordinaires de Français à l'international.

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gregory bersot
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montfort jonathan
2023-03-29
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